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Les photos qui illustrent cet article ont été prises lors d’une longue virée d’une semaine entre Manhattan et Brooklyn, qui sont deux des cinq arrondissements de la ville de New York avec le Queens, le Bronx et Staten Island. Ils sont séparés par l’East River, où trône le magnifique pont de Brooklyn, si souvent photographié pour son architecture très graphique. C’est avec la nouvelle mouture du F que j’ai réalisé ce reportage photographique. Suivez le guide.

 

Sacrée famille
Le Nikon Df est issu d’une dynastie photographique qui remonte à avril 1959, le boîtier Nikon F introduisant alors le concept de système d’appareil photographique reflex mono-objectif (SLR : single lens reflex) au format 35 mm. Une version entièrement peinte en noir du Nikon F fut commercialisée à la demande des reporters de guerre en mission au Vietnam, qui ne voulaient pas offrir une cible trop facile à l’ennemi. Lors de la mission spatiale Apollo 15, on apporta une version spécialement modifiée du FTN. À cette époque, les modèles restaient très longtemps au catalogue des marques. En voici la preuve : le Nikon F (produit de 1959 à 1974), le Nikon F2 (1971-1980), F3 (1980-2001), F4 (1988-1996), F5 (1996-2005), et actuellement le F6 (2004 à aujourd’hui).

Le Nikon Df est un appareil photographique reflex numérique lancé par Nikon en novembre 2013. Il combine une ergonomie et un look inspirés des reflex argentiques de la marque au capteur et au processeur de traitement d’images du Nikon D4. Le Df est le plus léger et le plus petit des reflex numériques Nikon au format FX. Il est vendu en finition noire ou argentée.

Il compte 16,2 millions de pixels pour une définition de 4 928 × 3 280 pixels. Le capteur est un CMOS dont la taille est de 23,9 × 36 mm. C’est un full frame, et le coefficient de conversion des lentilles est donc de 1, ce qui est fantastique avec les grands angles. Un ami m’a prêté un vieux 20 mm datant du début des années 1980 : il se monte sans difficulté sur le Df. Évidemment, les automatismes, comme l’autofocus, ne fonctionnent pas puisque ce vieux caillou n’avait pas cette fonction. La compatibilité chez Nikon est un très gros atout. D’ailleurs, la monture F a été dévoilée en 1959 à la sortie du F, et c’était alors une monture d’objectif développée par Nikon. Elle fait référence à un type de couplage d’objectifs aux reflex de format 35 mm de la marque. La grande variété d’objectifs compatibles avec la monture F, y compris un grand nombre d’objectifs Nikkor, fait de cette monture le plus grand système d’objectifs interchangeables de l’histoire de la photographie. La monture F est répandue aussi dans les applications industrielles et scientifiques.

Pour utiliser de vieux objectifs, il faut par contre avoir une bonne culture photographique, car dans ce cas-ci, on n’a plus d’automatisme ni d’autofocus. On y va donc à l’œil et au posemètre, c’est-à-dire à l’ancienne (mais quel plaisir !), avec une sensibilité, une ouverture de focale et une vitesse qui permettent de faire les photos qu’on a en tête, pas celles que le reflex veut nous faire prendre. L’appareil reste un capteur, un instrument. C’est nous qui sommes le patron. Avec tous les automatismes, on devient trop facilement l’assistant de la machine.

La sensibilité du capteur varie de 100 à 12 800 ISO, les dimensions du boîtier sont de 143,5 × 110 × 66,5 mm pour un poids de 710 grammes, ce qui fait un appareil assez lourd, surtout si on y monte un téléobjectif. L’alimentation est de type lithium-ion : avec une charge pleine, on peut vraiment déclencher abondamment. Le format des cartes mémoire est SD, SDHC ou SDXC.

Ergonomie
Son utilisation est plutôt faite pour les petites mains que les mains généreuses. La poignée des autres reflex Nikon est tellement bien faite et agréable que l’on regrette de ne pas l’avoir sur cet appareil, surtout pour ceux qui le tiennent à la main sans utiliser de courroie, ce qui peut être glissant et un peu fastidieux.

Les mollettes sont très présentes sur le dessus du Df. Il y en a pratiquement pour tous les réglages : vitesse d’obturation, compensation d’exposition, vitesse de la rafale, sensibilité ISO, mode d’exposition (M, A, S, P). Il faut quelques heures d’utilisation pour être à l’aise avec les réglages de toutes ces mollettes, qui ont presque toutes un mode de déverrouillage.

Retour vers le futur
J’ai lu sur certains sites Web que l’on compare le DF avec le D800, mais ce n’est pas parce qu’ils sont de la même marque et de la même gamme de prix qu’il faut automatiquement les comparer, car les deux appareils ont des cibles et des cultures photographiques différentes. On remarque qu’il n’y a pas de mode automatique sur le Df, ce qui indique déjà qu’il vise des cibles particulières. Les anciens, nourris à l’argentique, et les modernes, affamés de pixels « boostés » aux stéroïdes. Personnellement, je rêve plutôt d’une fusion des deux appareils qui intégrerait la philosophie du premier et la modernité du second, la tradition éprouvée du DF et la puissance de feu du deuxième. Ce qui m’a étonné, mais cela va tout à fait avec la philosophie de l’appareil, c’est l’impossibilité de filmer alors que le capteur peut le faire. On a poussé le concept à fond ; c’est un choix à la fois risqué et très cohérent. Tout comme les audiophiles, les photographes sont des gens déraisonnables. En opposition de la fiche technique et de sa litanie d’exploits technologiques avec le ressenti se trouvent l’idée et l’image (normal pour un appareil photo) que l’on se fait de la caméra de ses rêves, mais aussi des premières expériences que l’on a vécues en tant que photographe, ces années formatrices qui nous donneront une culture et des connaissances indispensables qui nous serviront toute notre vie. Clairement, ce Df n’est pas pour tout le monde. Il faut posséder une culture photographique pour le piloter, bien connaître le mode manuel, la sainte trinité de la lumière pendant un certain temps sur une surface sensible. Il faut être un gourmet, un épicurien. Je l’ai constaté en musardant dans les rues de Brooklyn : les quelques personnes qui m’ont accosté en apercevant ce Nikon n’étaient pas de la génération numérique, mais plutôt des baby-boomers issus du sel d’argent et de la chambre noire. Mais tout comme pour le vinyle, les jeunes générations peuvent elles aussi regarder dans le rétroviseur et goûter aux plaisirs de leurs parents.