C’est de la baie d’Along, dont les 1 969 îles karstiques lui ont valu d’être inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1994, que je commence cet article. Lieu hautement emblématique, c’est l’une des principales attractions touristiques du Vietnam. Ce pays a inspiré aux plus grands réalisateurs de célèbres films de guerre, notamment Voyage au bout de l’enfer (Michael Cimino, 1978), Apocalypse Now (Francis Ford Coppola, 1979), Platoon (Oliver Stone, 1986), Full Metal Jacket (Stanley Kubrick, 1987) et Good Morning, Vietnam (Barry Levinson, 1987). Dans un tout autre registre, ajoutons L’Amant (Jean-Jacques Annaud, 1992) et deux œuvres de Tràn Anh Hùng : L’Odeur de la papaye verte (1993) et À la verticale de l’été (2000), ce dernier avec une bande sonore envoûtante qui allie du Lou Reed et du Velvet Underground à une musique vietnamienne actuelle.
Le Vietnam est l’un des rares pays communistes qui subsistent sur la planète. Il s’étend du nord au sud sur 1 700 kilomètres et compte 93 millions d’habitants… et pas moins de 40 millions de scooters qui animent son quotidien bruyant et coloré.
PRÉSENTATION DE LA BÊTE
Très impressionnant par son volume, le Nikon D5 est massif et charpenté, idéal pour les conditions extrêmes et les terrains accidentés. On ne passe pas inaperçu avec pareil boîtier. Vu son poids de 1 415 g sans objectif, mieux vaut avoir les muscles solides ou se doter d’une courroie professionnelle. Disons que j’ai opté pour la courroie, qui m’a permis de me balader plus de huit heures par jour sans crouler sous l’effort. Une courroie large, en l’occurrence, qui passe sur l’épaule gauche et maintient le reflex sur la hanche droite, est la meilleure et la plus confortable des méthodes pour supporter un tel poids. Et paradoxalement, il est alors plus facile de dissimuler l’appareil en le masquant de la main droite, tout en étant prêt à dégainer pour prendre rapidement une série de photos.
Le format du capteur du D5 est 24 x 36 mm (full frame) et de 20,8 Mpx. Il s’agit du premier reflex Nikon à filmer en 4K UHD. Par rapport au D4s, sorti il y a deux ans, le D5 a un module AF qui passe de 51 à 153 points et une sensibilité qui bondit de trois diaphragmes, jusqu’à 102 400 iso. C’est le concurrent direct du Canon EOS-1D X Mark II, et certainement du nouveau Sony Alpha 9 avec son exceptionnelle cadence de 20 images/seconde, soit tout près de la vitesse de la vidéo. À quand un appareil photo filmant à 25 ou 30 images/seconde permettant d’extraire des photos d’une vidéo ?
L’ART DE LA GUERRE
Il y a certes un parallèle à tracer entre la photographie et le tir armé, que ce soit à l’arme blanche ou automatique. Il faut tout d’abord déterminer son œil directeur, et la meilleure façon de le faire consiste à pointer l’index au bout de son bras tendu, puis à viser un point dans l’espace en fermant alternativement chaque œil. On voit alors aussitôt quel est l’œil de visée.
Le Nikon D5 permet trois modes de rafale : déclenchement unique, rafale moyenne et le mode privilégié des photographes animaliers et sportifs, soit 12 à 14 images/seconde sur 200 vues en jpeg et 60 en Raw, ce qui est la cadence de tir d’un Uzi (pistolet mitrailleur israélien). On peut faire un autre parallèle avec la méthode des snipers, qui évoque la prise de photos en basse vitesse pour éviter que tout bouge dans l’image. En voici la recette : respirer calmement et, dès que l’on veut déclencher, expirer la moitié de l’air de ses poumons, bloquer sa respiration et appuyer sur le déclencheur. La photo de rue est ainsi proche de la guérilla : rester à l’affût, déclencher et passer à un autre sujet avant que la « victime » puisse nous repérer. En voyant un photographe muni d’un long téléobjectif, on pense davantage à un fusil-mitrailleur avec silencieux qu’à un appareil familial.
ÉCRAN TACTILE
Le D5 est le premier appareil photo que j’utilise qui possède un écran tactile de 8 cm offrant une très confortable définition de 2 360 000 points. Et c’est très pratique quand on visualise ses photos, par exemple, puisqu’on peut passer de l’une à l’autre d’un simple mouvement de doigt, comme sur une tablette ou un téléphone. Pour agrandir l’image, il suffit de glisser deux doigts vers l’extérieur. Puis on pince vers l’intérieur pour la réduire ou voir plus de miniatures. En sélectionnant la photo, on pince en deux pressions vers l’intérieur. Deux pressions du doigt sur la même photo sélectionnée permettent de l’agrandir, ce qui simplifie et accélère la sélection.
BATTERIE
Le chargeur de batterie est très professionnel. Mon Fuji X-Pro 2 peut se cacher derrière et deux batteries en même temps, tout en offrant des indications rarement vues sur un chargeur : 50 % – 2h, 80 % – 4h et 100 % – 6h. Les batteries du Nikon D5 sont tout aussi impressionnantes par leur taille, puisqu’elles peuvent cacher un appareil compact.
ERGONOMIE
L’ergonomie du Nikon D5 est un modèle du genre. Tous les boutons, sélecteurs et autres roulettes sont judicieusement disposés, le pouce et l’index de la main droite étant sollicités pour changer les réglages pendant la prise de vue. Dans un mouvement circulaire de haut en bas, le pouce permet de changer la commande AF-ON, qui joue le même rôle que si on appuie sur le déclencheur à mi-course. Le sélecteur est secondaire, mais on peut aussi utiliser celui au-dessous du multi-directionnel pour choisir le point AF, le loquet de verrouillage du sélecteur de mise au point, et la commande « i » pour visualiser les réglages de prise de vue. Après quelques heures, les doigts se placent exactement au bon endroit pour mettre l’appareil à sa main. En ce qui concerne l’index, ses prérogatives sont bien sûr de mettre sous tension le D5, de déclencher, mais aussi d’actionner la commande d’enregistrement vidéo, de changer l’ISO, de modifier la correction d’exposition avec la molette de commande principale (valeur comprise entre –5 IL [sous-exposition] et +5 IL [surexposition] par incréments de 1/3 IL) et d’actionner la molette de commande secondaire. Les ergonomes ont sûrement beaucoup travaillé avec les ingénieurs pour trouver cette configuration parfaite. La poignée légèrement creusée est extraordinaire, surtout pour un appareil de ce poids, et le viseur 100 % est le meilleur que j’ai pu tester : il est lumineux, confortable et d’une taille qui laisse les viseurs électroniques des mirrorless très loin derrière. Nikon a réparti certaines touches pour rendre l’expérience encore plus facile. Sur le dessus gauche, un sélecteur en forme de trèfle permet le changement de mode, de mesure et de bracketing. En dessous, une molette permet de choisir le sélecteur du mode de déclenchement : mono vue, rafale lente qu’on peut régler entre 1 à 10 images/seconde, rafale rapide, déclenchement silencieux, retardateur, levée du miroir et sélection rapide. Bref, les fonctions principales étant concentrées, on peut contrôler l’appareil avec deux pouces et l’index.
C’est sans compter les trois touches à l’avant gauche de la monture optique (Pv, Fn1 et Fn2), qui sont toutes programmables, par exemple testeur de profondeur de champ, mode de zone AF, mémorisation d’exposition, horizon virtuel, raccourcis vers la rafale 14 i/s, quadrillage dans le viseur. Plus encore, avec ce genre de position, on a l’impression de jouer de l’accordéon, car tout se contrôle avec l’index, le majeur et l’annulaire sans quitter le viseur.
LENTILLES
J’étais équipé de deux objectifs professionnels. Et comme le plein format (full frame) exige des lentilles optimales, mon sac photo pesait pas moins de 15 kg. Voyons d’abord la AF-S NIKKOR 24-120 mm f/4G ED VR. Ce caillou idéal pour la photo de rue et le paysage, d’un poids de 710 g, possède un stabilisateur d’image VR qui permet de prendre des photos à vitesse relativement lente sans problème de flou. Comme il est très rapide grâce à son moteur SWM (Silent Wave Motor), j’ai pu prendre des photos à partir d’une voiture comme au cœur d’une foule. L’autofocus ayant fait merveille, les images sont nettes avec un excellent piqué et très bien exposées. Une fois que l’on a utilisé ce genre de duo (D5/NIKKOR 24-120mm), il est difficile de revenir en arrière tant la barre est haute. Le second objectif, le AF-S NIKKOR 14-24 mm f/2.8G ED, est assez peu utile en photo de rue. Toutefois, son grand angle convient parfaitement à la photo de paysage, avec un champ angulaire de 84° à 114°, de même qu’à la photo d’architecture. Mais assurez-vous de maintenir le boîtier stable, car les perspectives peuvent fuir très facilement avec un 14 mm. Le logiciel DxO ViewPoint permet de les redresser aisément et de remettre les verticales droites. Le verre avant est tellement bombé que l’objectif intègre un cache-soleil et un protecteur de glisse. Signalons que les deux objectifs ont été d’une aide très précieuse pour les 10 701 photos prises avec le D5 au cours de mon séjour au Vietnam.
EN RÉSUMÉ
Le Nikon D5 est une véritable bête de course ou de guerre. Son professionnalisme, son ergonomie et sa fiche technique sont exemplaires. C’est un remarquable outil de création pour tout type de photos et tout genre de photographes. Le ticket d’entrée est certes élevé, tant pour le boîtier que les objectifs, mais il vous accompagnera très loin dans les pires conditions et les projets les plus fous. Il crée des images piquées, nettes et d’une grande puissance. Son poids peut paraître excessif, surtout avec le 14-24 mm qui fait grimper la balance à 2,5 kg, mais je peux certifier que l’on s’y habitue très vite, surtout lorsqu’on voit les photos qu’il produit. Il s’agit en fait d’un petit inconvénient pour un maximum de plaisir.